Le droit à la santé mentale : vers une couverture universelle des soins psychologiques ?

Face à l’augmentation des troubles psychiques, la question de l’accès aux soins mentaux devient cruciale. Entre remboursements limités et pénurie de professionnels, le chemin vers une véritable prise en charge reste semé d’embûches. Décryptage d’un enjeu de santé publique majeur.

Le cadre juridique du droit à la santé mentale en France

Le droit à la santé est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, qui garantit à tous la protection de la santé. Ce principe fondamental s’applique à la santé mentale au même titre que la santé physique. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a renforcé ce droit en affirmant que toute personne a droit au meilleur état de santé possible.

Concernant spécifiquement la santé mentale, la loi du 5 juillet 2011 a réaffirmé les droits des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. Elle encadre notamment les procédures d’hospitalisation sans consentement et renforce le contrôle du juge des libertés. Plus récemment, la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a fait de la santé mentale une priorité de santé publique.

La couverture des soins psychologiques par l’Assurance Maladie

Malgré ce cadre juridique favorable, la prise en charge financière des soins psychologiques reste limitée en France. Les consultations chez un psychiatre sont remboursées par l’Assurance Maladie sur la base de 70% du tarif conventionnel. En revanche, les séances chez un psychologue ne sont généralement pas prises en charge, sauf dans le cadre de dispositifs spécifiques.

Depuis 2018, l’expérimentation « MonPsy » permet le remboursement de séances chez un psychologue dans certains départements, pour les patients de 18 à 60 ans souffrant de troubles anxieux ou dépressifs légers à modérés. Ce dispositif a été étendu en 2021 mais reste limité en termes de public concerné et de nombre de séances prises en charge.

Les inégalités d’accès aux soins psychologiques

Cette couverture partielle des soins psychologiques engendre d’importantes inégalités d’accès. Les personnes aux revenus modestes peuvent difficilement assumer le coût de séances non remboursées, ce qui les prive de fait d’un suivi psychologique. Cette situation est d’autant plus problématique que les troubles psychiques touchent davantage les catégories sociales défavorisées.

Les déserts médicaux accentuent ces inégalités territoriales. La répartition des psychiatres et psychologues sur le territoire français est très inégale, avec une forte concentration dans les grandes villes. Dans certaines zones rurales ou périurbaines, l’accès à un professionnel de santé mentale peut s’avérer extrêmement difficile.

Les enjeux économiques et sociaux d’une meilleure prise en charge

Une meilleure couverture des soins psychologiques représenterait un coût important pour l’Assurance Maladie. Cependant, de nombreuses études montrent qu’un tel investissement serait rentable à long terme. Les troubles psychiques non traités ont en effet un coût social et économique considérable : arrêts de travail, perte de productivité, consommation accrue de médicaments, etc.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, chaque euro investi dans le traitement de la dépression et de l’anxiété rapporte 4 euros en amélioration de la santé et de la capacité de travail. Une meilleure prise en charge de la santé mentale pourrait ainsi contribuer à réduire les dépenses de santé globales et à améliorer la productivité économique.

Les pistes d’amélioration pour un meilleur accès aux soins psychologiques

Plusieurs pistes sont envisagées pour améliorer l’accès aux soins psychologiques en France. L’une d’elles consiste à étendre le dispositif MonPsy à l’ensemble du territoire et à élargir les critères d’éligibilité. Une autre option serait d’intégrer les psychologues au parcours de soins coordonnés, permettant ainsi le remboursement de leurs consultations sur prescription médicale.

Le développement de la téléconsultation en psychologie pourrait contribuer à réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins. La formation d’un plus grand nombre de professionnels de santé mentale et leur meilleure répartition sur le territoire sont également des enjeux majeurs.

Enfin, certains acteurs plaident pour une refonte plus globale du système de santé mentale, avec une approche davantage axée sur la prévention et l’intervention précoce. Cela impliquerait notamment un renforcement des moyens alloués à la psychiatrie publique et une meilleure coordination entre les différents acteurs de la santé mentale.

Le droit à la santé mentale et la couverture des soins psychologiques constituent un défi majeur pour notre système de santé. Si des progrès ont été réalisés ces dernières années, de nombreux obstacles persistent. L’enjeu est de taille : garantir à tous un accès équitable à des soins psychologiques de qualité, condition sine qua non d’une société en bonne santé mentale.